jeudi 22 novembre 2012

Le coeur valser dans le tourniquet

J'ai eu beau m'imaginer un nombre incalculable de fois cette journée parfaite dans son ensemble, touche par touche, poser les ingrédients de la farce qui la rendent exquise, me repasser le film de mes fantasmes à travers la vitre du métro, je n'aurais pas pu imaginer cela se concrétiser sous toute sa forme. Mon rendez-vous idéal avec mon idole de chanteur.

Après toutes ces années d'abstinence expressive, de soupape émotionnelle jamais prête à s'ouvrir, c'était maintenant. C'était tout ce que j'attendais.
Un moment simple.
Un échange, sans pudeur.
Sans retenue.
Parler d'amour. Qu'est-ce que j'en avais envie. Parler d'amour avec celui qui pour moi l'inscrit par ses notes en mes oreilles, au quotidien.
Se confier. Se raconter nos expériences. Se partager nos idées et lubies, nos prises de conscience.
J'ai aimé ce type sans le connaître, sans savoir.
A en vomir ce matin, avant de le voir.
Dans tout mon corps, être affectée par la rencontre, comme s'il était question de vie ou de mort.
Alors que bon.

C'est absurde, et je l'admets. Et j'en rirais volontiers.

Quinze heures, et avec une demi-heure de retard. Mais il avait amené les mignardises.
Jusqu'à minuit devant le tourniquet.

Marcher longtemps. Traverser Paris. Se tromper. D'itinéraire. Dévier les sujets. Sans se regarder. Ne pas s'épiler l'âme trop fort.
L'entendre dire qu'il me trouvait belle.
Se raconter nos timidités respectives.
Mettre en scène ses râteaux et mauvais coups du sort, ses efforts pour y aller plus franco retombés à l'eau.
Un homme attendrissant.
Pourtant.
Il n'a pas mâché ses mots pour s'excuser de ne pas m'inviter chez lui.
"Je t'aurais bien hébergée ce soir, mais ma colloc a organisé une fête avec des gens un peu cons et dedans il y a cette amie de mon ex, ce serait maladroit de t'amener avec moi surtout que tu aurais dormi dans mon lit."
Un homme paradoxal.

Est-ce parce que je lui ai avoué trouver cela étrange et non naturel que le premier contact intime avec l'être qui nous plait se fasse par l'intermédiaire du baiser?

Toujours est-il que devant la bouche du métro, il a tenu à m'accompagner, descendre les marches pour inévitablement les remonter je me suis moquée de lui en lui signifiant l'absurdité des gestes mais peut-être voulait-il seulement se donner l'élan. Me demander combien de temps je restais encore sur la capitale, s'accorder à penser que c'était un chouette moment, surprenant, et après les bises de convenance, me glisser un sourire agrémenté d'un "merci pour tout" avant de m'entourer de ses bras quelques instants, respirer dans son torse, se caresser l'échine à travers nos six épaisseurs de vêtements et repartir vite fait à nos vies d'accoutumances, sans se retourner, le cœur valser dans le tourniquet, la tête ailleurs, trembler devant les quais, redescente rapide d'une réalité rêvée devenue rêve réalisé.

J'ai encore du mal à m'y faire.

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