vendredi 7 mars 2014

Et les ponts s'effondrer

 Baffouillé il y a plus d'un an, un 31 janvier 2013 :

"Ça m'avait fait du bien de te voir mais je crois que j'ai eu peur (oui ça parait un peu débile, mais je crois que c'est ça...) de quoi je n'en suis pas sur. 

[...]
Ce n’était pas par rapport à une pression (de ce que je me souviens) mais plus par rapport à la manière dont je t'ai ressenti. Ce n’était pas une peur de toi à proprement parler, mais peur de moi vis à vis de toi. En tout cas je te rassure, tu n'y es pour rien. J’étais déjà émotionnellement surchargé et je n'aurais pas pu gérer plus je crois."

Ça fait beaucoup de "je crois".
Je dois en conclure quoi?

Je me rappelle la première fois que l'on s'est rencontré, c'était l'anniversaire de mon ami danseur manouche. J'en avais beaucoup entendu parler, de près ou de loin, et on m'en avait montré quelques photos, ce qui fait que lorsqu'il a franchi la porte d'entrée, avant les présentations, je l'ai reconnu.

Soirée étrange. Il me fixait avec insistance, mais me semble-t-il qu'il ne savait pas ce qu'il faisait. Il n'était pas vraiment là. Lorsque des personnes lui ont demandé s'il avait retenu les prénoms, il en a cité deux. Dont le mien. J'ai su, allez comprendre pourquoi, qu'il me fallait aller à sa rencontre.
Je me suis levée du canapé, me suis assise en tailleur face à lui.
Je lui ai peut-être balancé un truc du genre "tu me regardes, il y a quelque chose que tu veux me dire?" mais je n'en suis plus du tout sûre. Peut-être ai-je juste poursuivi la conversation générale, sur les formes de méditation, si ma mémoire ne s'est pas trop abîmée.

Nous avons tout de suite échangé avec sincérité. Il m'a parlé du décès récent de son compagnon de voyage, accident de moto, lors de son road trip jusqu'à Pékin (encore un passionné de l'immensité du monde étranger, décidément), il était silencieusement bouleversé. Je le voyais à ses yeux scintillant d'émotion. Je lui ai demandé s'il avait été ému. Il m'a répondu qu'il s'était écroulé une unique fois, devant les parents de son ami. Une petite voix m'a alors soufflé "mets-toi debout et serre-le dans tes bras" mais je ne l'ai pas écoutée. Après tout ce type, je ne le connaissais pas plus que ça. Nous avons discuté en nous regardant avec force jusqu'à ce que les lumières ne s'éteignent, le gâteau et ses bougies entrant en scène. Il s'était passé plus d'une heure depuis que nos corps se faisaient face et nous avions perdu la notion du temps. Tout le monde chantait le joyeux anniversaire dans l'obscurité chaleureuse mais nous avions du mal à revenir à la réalité de la fête. Je crois, lui comme moi, que nous ne voulions pas que ça s'arrête. Parce que. Il était en train de s'opérer quelque chose de singulier entre nos êtres.

Le lendemain, il envoie un message à mon ami danseur, qui s'empresse de me le faire lire.
"Ta pote Anne, d'où est-ce qu'elle sort?"
Et après l'avoir un peu travaillé à l'écrit sur le pourquoi, il s'explique :
"C'est étrange, j'ai eu envie de lui pleurer dans les bras."

Ce ne serait même pas étonnant si ça avait été pile au moment ou s'est glissée cette petite voix qui m'invitait à le consoler.

Nous nous sommes revus le lendemain, et les quelques fois proches où je rendais visite à la capitale.
Il y avait un truc.
Une énergie palpable.
Lorsque je me tenais assise à ses côtés à une certaine proximité, je sentais son état présent, ses émotions se distillaient en moi comme de puissants flux, tellement puissants, qu'il y avait une sorte de couche sensitive tout autour de lui, sur laquelle j'aurais pu m'appuyer, sans la traverser. C'était si concret. Si tactile. Je n'avais plus besoin de lui poser la question "comment vas-tu?". Je devinais. Impression d'exactitude.

Je voulais absolument comprendre et creuser le personnage, m'exclamer "as-tu conscience de tout ce que tu dégages?" mais il n'en était qu'aux balbutiements de la réflexion, sur les rails du peut-être. Envisager une autre existence. Il n'était pas encore dedans. Alors oui, c'était probablement effrayant. Se découvrir un nouvel horizon sensitif, propre et intime mais puissant, appuyé par une personne extérieure dont on a plutôt l'impression qu'elle est à l'intérieur, vu qu'elle a l'air de savoir.

"Difficile de mettre des mots. Ressenti de manière forte, juste comme quelqu'un qui vibre à la bonne fréquence, ou en tout cas à une fréquence avec qui je pouvais peut-être rentrer en résonance, et je n'étais pas prêt à ça. Quand deux fréquences entrent en résonance, ça peut faire s'effondrer des ponts (pour de vrai !). "



5 commentaires:

  1. J'profite de ce commentaire (et de cet article que j'ai dévoré comme les précédents) pour te faire un p'tit clin d'oeil blogien dans la stratosphère numérique, au hasard des liens et entrelacs qui m'ont menés ici :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est également mes errances bloguesques qui m'ont menée à tes divers refuges sur la toile. Je pense notamment à l'Arbre du Faucon que j'ai pas mal parcouru aussi. J'ai été parfois frappée par tes transcriptions de rêves ou d'écritures automatiques. Dans leur champ lexical, ou symbolique. A certains moments, j'eus l'impression de parler le même langage.

      (c'est intéressant, parce que j'ai essayé 3 fois en vain de mettre l'Arbre du Faucon dans ma liste de blogs, je me suis finalement rabattue sur Freaky Beast Say Hello. Puis ce commentaire là, c'est la deuxième fois que je le rédige, à mon premier essai, il s'est simplement effacé en essayant de le poster...tu es maudit?) ;-)

      Supprimer
  2. Je crois être définitivement maudit pour les commentaires en fait...Je n'ai pas l'impression que tu en reçois beaucoup...

    Au plaisir de peut-être échanger avec toi sur ces sujets, qui sait.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mea Culpa, c'est moi qui suis un peu lente à la détente pour les publier en fait.... Faut dire que j'ai été absente pendant 5 jours ça n'a pas arrangé notre affaire!
      Au plaisir d'échanger sur ces sujets sans entrave, oui, bien sûr!

      P.S. : je suis en train de parcourir la discographie d'Eivør, fascinée....

      Supprimer
  3. Hmmmm oui, j'ai lu ça, content que la découverte te plaise (c'était aussi le but que de le mettre), tu as mon contact sur la droite du blog où tu es abonnée du reste.

    Toujours un plaisir que de croiser des gens réceptif, sur la/les blogosphère(s) ou ailleurs...

    RépondreSupprimer

Du temps à tuer?