jeudi 15 mai 2014

Traquenard

Je sais que j'ai fait le bon choix. Je le sais.
Je sais que dans quelques jours, je me remercierai.
Ça ne m'empêche pas pour autant d'être terriblement déçue et frustrée.
Et quelques sanglots coincés au fond de la gorge qui ne se décident pas à sortir.

J'aurais dû le voir venir. Finalement, je me demande si je ne devrais pas me faire davantage confiance plutôt que d'écouter les gens parler de leurs propres sentiments. Parce qu'au fond, c'est comme si je savais mieux qu'eux lorsqu'ils se mentent à eux-mêmes. Malgré tout, je les crois aveuglément, parce que c'est dans ma nature, de faire confiance.

Je me disais, tiens, un message de cet amant à la peau à croquer, il n'a peut-être plus personne à se mettre sous la dent. C'était une histoire d'il y a deux ans et quelques, un moment où j'avais eu envie d'y croire mais où j'avais dû choisir intérieurement entre un homme qui me plait et un mode de vie qui me convient. Là aussi, léger goût d'amertume dans la bouche mais satisfaite sur le long terme de mes décisions de raison. Fallait dire que le timing était mauvais, lui même ne s'était pas rendu compte qu'il était en train de tomber amoureux de sa collègue de travail et me retrouver entre les deux, je ne me sentais pas à la meilleure position. D'ailleurs, elle ne m'a jamais aimé cette fille, jalousie et concurrence oblige. Juste après moi, ils se sont mis ensemble et le sont encore aujourd'hui.

Bref, il y a environ un mois, alors que je n'avais plus de nouvelles depuis plus d'un an, je rêve que je porte en mon ventre son enfant. Le rêve est bien plus complexe que cela mais bon, une semaine après, je tombe sur lui par hasard dans la rue. Il se trouve qu'il habite juste à côté de chez moi. On s'échange nos numéros que l'on avait perdus en se promettant qu'on ira se boire un café à l'occasion.

L'occasion, c'était cette après-midi. Sauf qu'immédiatement après m'avoir invitée, il se souvient que des amis à lui jouent leur spectacle en plein air et qu'il s'était engagé à venir. Pas de panique, on s'y rend ensemble. Je me dis que ça va encore être le gros bordel de gens et que j'ai pas envie d'aller boire un verre avec ce garçon....suivi de tous ses potes. Gentiment après la représentation, je lui annonce que je file en catimini. Étonné, il me rassure, lui non plus n'a pas l'intention de traîner longtemps ici. Nous rentrons donc boire un verre. Là où j'aurais dû faire plus attention, c'est quand j'ai compris qu'on allait le boire chez lui. D'un autre côté, quelle est l'utilité essentielle d'un bar quand on ne boit pas d'alcool?

On discute, il me confie que tout va bien dans sa vie. Et quand j'insiste un peu, que ce n'est plus comme avant avec sa chérie. Je lui demande s'il a parlé de ses doutes avec elle, il me répond qu'il vient de le faire ce matin (ou hier matin?). Tiens tiens. Vous la sentez celle-là aussi? La bonne vieille odeur louche. De toute façon, je suis censée rentrer dans une demi-heure. Il me dit qu'il a récupéré une Playstation 2. Toute jouasse, je lui propose de l'essayer. Avec un ton feint de déception dans la voix, il balance : "Et moi qui pensais que tu allais me proposer de faire l'amour...". Haha, qu'est-ce qu'on rigole.

Sous nos yeux ébahis, lever de lune gigantesque sur la montagne. Les plaisanteries douteuses se tassent d'elles-mêmes. Devant cette lumière d'un autre monde, nos confidences s'entremêlent. En vue de ses réactions, je lui pose sérieusement la question : "Tu as vraiment décidé que tu allais tromper ta copine alors?". Il me fait des yeux de merlan frit. Non non, qu'il me dit, depuis que je suis avec elle ça ne m'est jamais venu à l'esprit, et pourtant ça n'a pas été les opportunités qui ont manqué, elle n'est pas souvent là et puis dernièrement elle est partie un mois à l'étranger, j'ai aussi dormi la semaine dernière avec une amie nus comme un ver et c'était génial parce que pas ambigu pour un sou, et ma copine est au courant, et puis on sait se tenir face aux désirs physiques, blablabla blablabla. Okay.
C'est moi qui interprète, sûrement.

Une demie heure devant la fenêtre, fascinés par l'astre qui se fraye une place haut dans la nuit. Il fait presque jour tellement elle reluit, cette lune aux reflets dorés. Soirée à part. On se regarde, ce garçon à la peau à croquer et moi. Lui a rendez-vous avec ses amis de la compagnie, et moi avec une italienne. On se décide enfin à bouger d'ici. En deux temps trois mouvements, il a glissé ses mains sous ma taille et me porte contre lui, comme une mariée qui s'apprête à franchir la chambre nuptiale. Je frémis. C'est ma faille, lorsque l'on me soulève. Il me dépose sur le lit, drôle de manière de s'en aller.

- Bon, moi j'y vais, et toi tu m'attends là!
- Oui c'est ça, je t'attends en faisant l'étoile de mer.
- Chouette!
- Ah bon, tu trouves?


A suivre, peut-être...

2 commentaires:

  1. Haha j'ai beaucoup ri, merci ! C'est un classique ce coup-là ! Je trouve ça plutôt admirable que tu ne sois pas tombée dans ce piège. Tu n'es pas tombée, hein, dis ? :)

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    1. Hmmm....semi.... ;-)

      C'est marrant que tu aies trouvé un potentiel comique à ce texte...risible, à la limite...
      C'est pour ça que c'est génial d'avoir des avis extérieurs, on découvre une autre lecture de notre propre expression. Merci de m'avoir fait partager tes impressions!

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Du temps à tuer?