jeudi 26 juin 2014

Nuit blanche à nos actes manqués

A la suite de ceci et de cela :
Il était aux alentours des sept heures du matin quand nous décidâmes de mettre un pied dans la vie sociale, les rues de la ville, et les descendre s'installer sur le port se réchauffer à la lueur du lever de soleil. Marcher côte à côte. Comme des bons potes. Comme si nous n'avions pas commencé à nous connaître depuis seulement quelques heures.

Sur le quai, un homme est allongé en étoile de mer.
De loin, on se moquait un peu de lui. Jusqu'à ce qu'on le voie convulser.
Appeler les secours. Cet espiègle argentin qui s'accroupit. Mesure le pouls. Rien d'anormal.
L'homme crie à la mort, son ventre fait des remouds incroyables, son visage se déforme.
Quand on lui demande où il a mal, il ne répond pas.
L'argentin pose alors ses mains sous le crâne du souffrant, pour un peu l'apaiser. Puis lui tient la main jusqu'à l'arrivée des secours.
Je trouve ça touchant.
En voilà une drôle de manière de conquérir mon cœur.
Les pompiers débarquent. Une petite pichenette sur le front de l'homme hurlant, il se réveille.
Se lève, comme si de rien n'était, et commence à parler.
Il ne sait pas, il avait mal au pied alors il a enlevé ses chaussures, puis il est tombé, raconte-t-il aux urgences.
Les larmes recouvrent son visage entier, de la douleur insupportable d'il y a seulement quelques minutes, et dont il ne se souvient pas.
Scène surréaliste.

Nous partons perplexes, sans mot devant ce qu'il vient de se passer.
Le soleil commence à réchauffer les terrasses encore fermées.
Je marche à ses côtés, mais je me sens proche. Plus proche encore.
Il n'y a que les boulangeries pour accompagner nos envies à cette heure. Nous nous dorons assis en tailleur sur les dalles de pierre, un café chaud, des pâtisseries maison. Les camions paradent autour de nous, un manège enchanté d'une pollution citadine. Délicatement, je lui pose un pansement sur le nez, pour protéger sa cicatrice des rayons du soleil. Je le lui mets mal, ça fait des plis un peu partout mais cela a l'air de lui convenir.

Nous décomptons les minutes amputées sur notre sommeil tout en retournant sur nos pas, nous rendant compte que notre fin de soirée correspond au réveil d'une ville entière.
Il me dit que de toutes façons, son coloc travaillant à la maison, il ne pourra même pas faire de sieste récupératrice.
Sans hésiter une seule seconde, je lui propose de partager mon lit, et une heure ou deux de répit avant son prochain rendez-vous. Il n'hésite pas longtemps non plus.

Allongés tous deux sur le matelas, partageant le même bout de drap, j'ai douze ans et demie.
Mon cœur bat à un rythme de croisière. Si intensément, qu'il couvre tous les bruits alentours en mes esgourdes.
Je ne réussirai pas à m'abandonner dans les bras de Morphée.
L'argentin non plus.
Nous resterons là, sous la lumière du matin, à ne pas oser bouger. A entendre nos ventres respectifs gargouiller, sans jamais se le dire. Je me retournerai et je prendrais le temps de l'observer à l’abri des regards, faire semblant de dormir. Puis, l'heure fatidique des adieux arrivée, il se lèvera doucement, dans une discrétion infinie. Mes yeux s'ouvrant sous son départ précipité, il me prendra les mains. Il y déposera un baiser d'une passion retenue. Je frissonnerai. Me mettrai en boule comme un chat qui ronronne. Alors, d'un élan insoupçonné, il replongera vers moi. Retenant mes doigts dans sa paume et les faisant dérouler, il lancera "Tu as de très belles mains, tu es au courant?". A moitié taquine, à moitié endormie, je répondrai oui. "J'essayerai de trouver autre chose la prochaine fois, alors." qu'il terminera d'un sourire malicieux, avant de porter une ultime fois l'objet du délit à ses lèvres, et filer pour de bon du meilleur coton.

Je prendrai plusieurs secondes avant de réaliser.
La fatigue, sûrement.

Mais lorsque je rouvris la porte d'entrée, intercepter un numéro de téléphone que l'on ne s'était pas échangé, il était déjà parti.

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Du temps à tuer?